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  • Louise Renard

Carnage, Varia [théâtre]

Touchant la corde sensible de la jeunesse à la fois immobilisée et en colère, Carnage est un spectacle palpitant mis en scène par Hélène Beutin et Clément Goethals qui se joue du mardi 11 au samedi 22 février au Varia. On y danse, on y hurle, on y pleure, on y rit, mais surtout on y sublime le désespoir.


Dans une scénographie qui évoque le pied d’un barrage quelques part dans une zone périurbaine, gravier au sol jonché de cigarettes et de cannettes, deux grands bouches d’aération finissent de former ce décor de rave. Ce n’est pas vraiment apocalyptique, c’est simplement là. Sommes-nous avant la soirée ou après ? Est-ce déjà fini ou est-ce que ça doit encore commencer ?


Six personnages vont évoluer dans cet univers et formuler autant qu’ils peuvent leurs craintes. Une première (Lucile Charnier) en silence, les genoux tremblant seule dans l’espace ou presque, un second (Alex Jacob) dans la pénombre formule un texte abstrait sur un chien et une histoire de fuite en avant, puis une troisième (Angèle Baux Godard) qui tente d’exprimer la petite société parallèle mais si nécessaire qui se forme en soirée techno.


Et, petit à petit, la techno prend possession du lieu. Une quinzaine de figurants s’emparent avec les six acteurs du plateau pour recréer cette transe musicale qui unit cette salle de théâtre sur une même ligne de basses, sur un même battement de cœur.

D’autres personnages vont se démarquer : celui qui semble pris par un syndrome de Peter Pan (Léonard Cornevin) qui ne parle que de chevreuils et de sa fascination pour les cervidés, personnage qui ne peut que provoquer une immense tendresse chez le spectateur tant sa sincérité est lisible, le personnage sur les nerfs à l’extrême (Adrien Letartre) qui se démarque par un jeu propre au spectre de la maladie mentale et qui glapit un texte obscène qui a provoqué l’hilarité chez certains - dont moi - et la consternation silencieuse chez d’autres ou encore le tendre géant (François Gillerot) qui rugit son immobilisme et ressasse un match de foot, probablement seul moment où il a senti qu’on était fier de lui.


Certains y verront peut-être des clichés d’une jeunesse oubliée ou une hypocrisie de la part du milieu privilégié du théâtre et son regard sur les teufeurs comme j’ai pu l’entendre commenter parmi les spectateurs à la sortie ; mais la manière dont c’est amené a la force de sublimer cette colère, de faire de ces "paumés" des anges déchus du désespoir qui trouvent de la poésie ailleurs, dans le sentiment de liberté d’une moto lancée à toute allure ou dans un rapport sexuel en pleinenature.

Je ne conseillerais pas ce spectacle à n’importe qui car je crois qu’il est préférable d’être soit touché par le propos de cette jeunesse éclatée, qu’on en fasse partie ou qu’on s’y intéresse, soit intrigué par cette forme que je n’ai, personnellement, vue nulle part ailleurs. On peut tirer quelques liens de sens à ≠ FAUVE pour leur déferlantes de mots qui expriment parfaitement une génération, la fin révolutionnaire du dernier Jokerde Todd Phillips pour son ensemble et sa colère ou encore à A.D.N.de Dennis Kelly pour ce questionnement autour d’une jeunesse en quête de déshumanisation. Ce dernier point étant spécifié par le monologue de Lucile Charnier à la fin du spectacle qui exprime un tel besoin d’exister qu’elle préférerait peut-être mourir si cela permettait qu’on la voit vraiment... au moins une fois.


Tous les acteurs – merveilleusement soutenus par le chœurdes figurants – sont à fleur de peau, à fleur d’âme, bouillonnent et exultent, blasphèment et vocifèrent, hurlent et crachent… Et atteignent chacun à leur tour un état de grâce. Rien n’est faux, rien n’est de trop ou de trop peu. Le seul reproche que je peux avoir, et je crois que c’est un compliment déguisé, c’est que cela m’a tellement émotionnellement bouleversée que je fatiguais sur les vingt dernières minutes, mais simplement parce que j’étais lessivée de la jouissance cathartique qui m’avait été offerte.


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(c) Photos de Serge Gutwirth


Distribution complète ici

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