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  • Louise Renard

Cinglée, Théâtre Blocry [théâtre]

Du 7 au 20 novembre 2019 se joue le spectacle Cinglée au Théâtre Blocry – Atelier Théâtre Jean Vilar, à Louvain-la-Neuve. Le texte et la mise en scène sont signés par Céline Delbecq qui entreprend de donner une voix aux féminicides en Belgique - aux femmes tuées parce qu’elles étaient des femmes.


[Note : Lorsque le sujet est aussi important et nécessaire à mettre en avant que celui dont traite Cinglée, il est difficile d’invoquer un avis objectif sur le spectacle en tant que tel. Malgré tout, il est important d’en traiter les maladresses – ce qui n’enlève rien à l’importance et à la nécessité de faire des spectacles sur le sujet des féminicides en Belgique ou ailleurs.]


Sur le plateau du Théâtre Blocry, une femme vient prendre possession d’un petit espace carré surélevé sur lequel se trouve une table, une chaise et, dans le fond de ce petit carré, une pile de journaux. Trois autres silhouettes apparaîtront ensuite autour d'elle sans qu’on ne sache encore ce qu’ils représentent.


L’histoire va raconter celle de Marta Mendez (Anne Sylvain) qui, à partir de la lecture d’un article sur le « premier crime conjugal de l’année 2017 en Belgique », va entrer rapidement dans un besoin frénétique de rassembler les noms de toutes les femmes tuées par un homme en Belgique. Elle décide alors que ce ne sont plus des cas isolés mais un génocide de femmes et écrit une, puis des dizaines de lettres au Roi Philippe pour l’alerter de la situation ; ces lettres restant évidemment sans réponse. Elle s’isole progressivement et n’est finalement plus visitée que par son fils (Stéphane Pirard) et son médecin (Yves Bouguet) alors qu’elle sombre dans la monomanie. Un autre personnage féminin gravite autour de cette histoire, celle de la petite-fille de 13 ans du médecin (Charlotte Villalonga) qui vit de sa propre manière son insurrection contre l’agression des hommes sur les femmes.

En tant que spectatrice, j’ai ressenti un profonde dissonance entre l’histoire que j’entendais par le texte, et ce que je voyais sur le plateau. Si Anne Sylvain a une prise de parole claire et nette qui permet bien d’entendre le texte, elle projette un personnage sec, en tailleur, les cheveux tirés, qui évoque une directrice d’école particulièrement aigrie – très loin de Marta, immigrée portugaise, qui a fait des ménages et qui sombre aujourd’hui dans la folie. Quant au fils, son mutisme le rend antipathique à tout point de vue. Le texte étant écrit à la troisième personne pour la narratrice, la prise de parole devient confuse car la narratrice joue également Marta. Et comme aucune entrée dans l’intime du fils n’est faite, lorsqu’une scène veut qu’il se mette à genoux en criant, il semble n’être qu’une pâle imitation de Stanley dans Un Tramway nommé Désir – ce que le costume rappelle également – et la scène en devient presque drôle au lieu d'être tragique.


La scénographie comporte quelques belles idées : le petit plateau carré qui se fissure de plus en plus en laissant échapper de la lumière par là où il est brisé et l’apparition physique de la liste qu’on ne fait qu’entendre durant la majorité de la pièce sont deux éléments scénographiques très efficaces.

Si les lectures n’avaient pas déjà été faites avec l’équipe d’acteurs dans son intégralité, j’aurais supposé que le texte avait été écrit dans un premier temps pour un seul en scène et puis réadapté pour s’accorder à plusieurs voix. Ce qui a perturbé pour moi la lecture de ce spectacle est peut-être cet entre-deux sur de nombreux fronts. Entre seul en scène et pièce à plusieurs acteurs, entre réalité et fiction, entre témoignage sociétal et plongée dans l’intime d’une personne, entre images physiques chorégraphiées et naturalistes,… Rien n’est réellement développé ou approfondi ; tout est en surface. Au final, je n’ai ressenti aucune empathie pour cette histoire fictive et j’ai été déçue de ne pas en savoir plus sur les histoires réelles qui ont motivé l’écriture de cette pièce.


Je suis donc sortie frustrée parce que j’attendais davantage de cette prise de parole, surtout à ce sujet. Néanmoins l’intention est foncièrement positive et cela, on ne peut pas l’enlever à ce spectacle. La pièce n’est peut-être pas bouleversante pour quelqu’un qui est informé sur la thématique en question mais elle est vitale pour ceux qui n’ont pas une conscience de ces événements et du caractère systématique de ceux-ci. Et si ce spectacle peut rendre le débat plus ouvert et que cela remonte aux « personnes importantes » comme dirait Marta, ce n’est que bénéfique.


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Texte et mise en scène : Céline Delbecq


Avec Yves Bouguet, Stéphane Pirard, Anne Sylvain, Charlotte Villalonga


Musique : Pierre Kissling


Scénographie et costumes : Thibaut de Coster et Charly Kleinermann


Création lumière : Julie Petit-Etienne


Régie générale : Aude Ottevanger


Constructeur : Vincent Rutten


Assistanat : Delphine Peraya


Chorégraphies : Charlotte Villalonga, Stéphane Pirard


Regards extérieurs : Silvia Berutti-Ronelt (dramaturgie), Sylvie Storme (voix), Johanne Saunier (chorégraphie)


(c) Photos de Alice Piemme

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