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  • Louise Renard

Les Tricheuses, Le Public [théâtre]

Patricia Ide écrit et joue dans Les Tricheuses au Théâtre Le Public, mis en scène par Michel Kacenelenbogen, du 23 janvier au 22 février 2020. L’histoire est celle d’un hôtel, en 1919, sur une île où des histoires se croisent et se répondent et où un élément perturbateur vient lever le voile sur les identités cachées et les déguisements.


Dès l’entrée dans la salle, le plateau sur lequel s’érige quatre pièces de l’hôtel sur deux étages reliés par deux couloirs invite déjà à sauter à pieds joints dans la fiction. On pense au Grand Budapest Hotel et au fait de voir les personnages passer d’une pièce à l’autre. L’ambiance est intime et chaleureuse alors que le personnage du Docteur vient introduire avec humour - et une certaine confusion attendrissante - le début de son histoire et comment celle-ci va se joindre aux autres.


Quand l’hôtel prend vie, c’est un peu comme dans un Agatha Christie, on ne sait pas bien qui fait quoi avec qui et qu’est-ce qui va se passer. D’ailleurs l’élément déclencheur, William Page, n’arrive pas avec fracas avec son chien mais bien avec une banalité qui fait qu'on ne devine pas l’importance qu’il aura par la suite.


Et dans ce décor magnifique, qui intradiégétiquement dévoile progressivement ses vices cachés, les personnages aussi, dans un premier temps, semble vouloir faire bonne figure. Félicie la petite servante enjouée semble pourtant un peu bête, Madeleine la patronne semble aigrie et en colère en voulant préserver son autorité, Jean le maître d’hôtel semble intraitable et en même temps terrifié, et le Docteur semble vaquer au milieu de tout cela avec le flegme de l’âge. Quant à William, il arrive là avec le flegme de la jeunesse. Et tous les personnages, ainsi que les acteurs, gagnent à avancer dans la pièce car les couleurs de leurs personnages se diversifient et se complexifient.

Pour la direction d’acteurs, il y avait pour moi une légère incohérence entre le résultat – ceci dit très convaincant – de petit garçon terrifié et socialement inapte que nous offre Magali Pinglaut dans le rôle de Jean et l’histoire de ce personnage qui a dû s’imposer comme meneur de l’hôtel, ce qui semble inconciliable avec son caractère. Là où le personnage de William, interprété par Jeanne Kacenelenbogen, semble avoir une ligne de direction beaucoup plus lisible, claire et logique dans la construction du personnage – préservant un doute sur le genre/sexe presque à la manière d’un.e illusionniste. La bêtise et la naïveté de la jeune Félicie, jouée par Chloé Struvay, sont certes nécessaires à accentuer son évolution mais le jeu m’a semblé très en surface dans la première partie et rend l’empathie progressive envers elle particulièrement plus difficile à invoquer par la suite. Alors qu’au contraire pour Madeleine, l’antipathie et la nervosité très intériorisées qu’on ressent chez Patricia Ide dans un premier temps sont un début précieux qui nous guide vers la tendresse et l’admiration qu’elle provoquera chez nous par la suite.


MADELEINE : Mourir maintenant, ce serait bien. Mourir ici, ce serait bête.

Au-delà d’une pièce très efficace avec d'une scénographie ingénieuse et pleine de vie, la pièce prend vraiment le temps de dépasser les balises de Marivaux propres aux scènes de travestissements ainsi que les contraintes du drame bourgeois. Et la fin, féminine et féministe, offerte par la pièce permet un réel retournement – que l’on croie cette fin réelle ou rêvée d’ailleurs – et offre au spectateur (peut-être encore davantage à la spectatrice) une sortie du théâtre avec un cœur réchauffé par la sororité et la force de volonté de vivre une identité qui nous est propre et qui est parfaitement unique à chacun.e.

Évidemment, certaines choses ne m’ont pas parues nécessaires comme la présence de figuration étant donné que je crois que la distribution principale suffit largement à donner assez de vie à l’hôtel. La pièce s’en serait tout aussi bien sortie sans les figurants apparaissant aux heures des repas. Et si c’est pour prouver que Félicie n’a pas inventé son amant le vendeur de charbon et que le Docteur est bien actif sexuellement, cela semblent des précisions pour lesquelles le spectateur n’a pas forcément besoin de preuves. Cela invite à une attente de la part du public pour ces personnages qui ne peut qu’être un peu décevante à la fin lorsque l’on comprend qu’ils ne prendront jamais ni la parole ni le plateau.


Pour finir, c’est un spectacle qui fait énormément de bien, intelligement ficelé tant dans la forme que dans le fond, l’intrigue se dévoilant ni trop vite ni trop lentement et ainsi, assez confondre le spectateur au début qu’il ait besoin de s’accrocher et en même temps le garder en haleine jusqu’à la fin de la pièce par les rebondissements et le suspense qui nourrissent le spectacle.


Et petite mention spéciale à l’acteur quadrupède, Inca,

qui vole la vedette à tous les bipèdes à chacun de ses passages.


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(c) Photos de Gaël Maleux


De : Patricia Ide

D’après : George Moore

Mise en scène :Michel Kacenelenbogen

Avec Frederik Haùgness, Jeanne Kacenelenbogen, Patricia Ide, Magali Pinglaut, Chloé Struvay

Et Christine Badart, Thierry Cloës, Raphaël Faelli, Jo Fenez, Sarah Maréchal, Izaline Nicol, Lola Rausin

Assistante à la mise en scène : Anne Sylvain

Collaboration à la mise en scène : Lou Kacen

Scénographie : Renata Gorka

Costumes : Chandra Vellut

Assistantes costumes : Cécile Manokoune et Laure Norrenberg

Lumière : Laurent Kaye

Musique originale : Pascal Charpentier

Coiffure : Thierry Pommerell

Maquillage : Patricia Timmermans

Régie : Louis-Philippe Duquesne

Assistant régie : Patrick Sainte

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