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  • Louise Renard

Villa dolorosa, Théâtre des Martyrs [théâtre]

La famille Freudenbach nous invite dans sa Villa dolorosa, une transposition contemporaine des Trois Sœurs de Tchekhov écrite par Rebekka Kricheldorf, mise en scène par Georges Lini, aux Martyrs du 20 septembre au 6 octobre.


L’univers est installé : un salon bourgeois avec une baie vitrée, vue sur un mur végétal qui fait office de jardin, des bouteilles et des verres, un canapé en cuir et quelques chaises. Va se dérouler dans cet espace, l’histoire - trois fois répétée - de l’anniversaire d’Irina, étudiante ad vitam aeternam, en compagnie de sa sœur Olga, institutrice célibataire, de son autre sœur Macha, enchaînée dans un mariage malheureux, et de son frère Andreï, éternellement bloqué sur le projet de son roman. Deux autres personnages gravitent autour de cette famille : Janine, la compagne puis épouse d’Andreï, prolétaire avec la langue bien pendue, et Georg, un ami d’Andreï, marié à une femme suicidaire et étrange satellite autour de cette famille déjà dysfonctionnelle.

L’immobilisme et la frustration sont clés ici, et Villa Dolorosa les partage avec sa grande sœur tchekhovienne mais les liens ne se résument pas à cela : le fossé de classe entre Janine et la famille Freudenbach, le mariage malheureux de Macha avec un professeur, la carrière d’institutrice puis de directrice d’Olga, le sacrifice des illusions d’Irina, la neurasthénie de la femme de Georg, etc. L’amoureux du texte d’origine pourra tisser mille liens de cet ordre entre le récit de Kricheldorf et celui de Tchekhov.


Mais si ce texte et ces liens s'entendent si bien, c'est parce que les acteurs nous le livrent avec une sincérité qui s'ancre dans une réalité très concrète. Leur ensemble est subtilement orchestré et l'écoute entre eux est palpable. C’est d'ailleurs grâce à la précision des acteurs que le spectacle doit son rythme et son mordant - le cynisme et l’ironie semblant être les deux armes de prédilection des personnages. La verve exceptionnelle de France Bastoen (Olga) donne à chacune de ses répliques la force d’une gifle bien placée, de celles que l’on rêverait de mettre à bien des membres de notre famille. La virtuosité émotionnelle de Thierry Hellin (Andreï), à la fois terrien et rêveur, touche une corde sensible. La simplicité directe de Deborah Rouach (Janine) invite le spectateur à une compassion envers son personnage qu'il serait facile de détester. Anne-Pascale Clairembourg (Irina) est très convaincante en cette jeune soeur coincée dans des études sans fin. Isabelle Defossé (Macha) amène quant à elle une très belle corporalité à son personnage, laissant paraître le bouillonnement intérieur qui agite cette figure sur le fil. Et enfin, Nicolas Luçon (Georg) est tout particulièrement émouvant, Pierrot Lunaire déposé là presque par hasard ; il a le regard tragique de quelqu’un qui ne va pas tarder à se noyer mais qui parvient néanmoins à donner de la lumière, du rire, de l’émotion.

Tous les acteurs ont d’ailleurs en commun le pouvoir d’amener une dose d'humour dans cette pièce qui, sans cela, nous plongerait dans une introspection si noire sur nos propres choix de vie que l’on n’en ressortirait pas. Mais la légèreté qui est amenée par l’émotion et le rire nous offre cette lumière au bout du tunnel, d’une part pour tonifier le spectacle qui par conséquent est davantage rythmé sur les rires que sur les lamentations, d’autre part pour nous donner une forme d’espoir et de désir d’avancer et de réaliser des choses au lieu de rester bloqué. Car certes, il y a de l’amour, un amour infini entre ces personnages mais il y a aussi une profonde tristesse. Une tristesse inhérente à cet immobilisme auquel le spectacle attire notre attention comme une tendre - mais essentielle - mise en garde.


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Dramaturgie et mise en scène : Georges Lini

Avec : France Bastoen, Anne-Pascale Clairembourg, Isabelle Defossé, Thierry Hellin, Nicolas Luçon, Deborah Rouach

Texte : Rebekka Kricheldorf

Traduction Leyla-Claire Rabih & Franck Weigand

Collaborateur artistique : Sébastien Fernandez

Scénographie et costumes : Renata Gorka

Lumières : Jérôme Dejean

Stagiaire : Mehdi Zekhnini

Régie : Luis Vergara Santiago assisté d’Antoine Halsberghe


(c) Photos de Sebastien Fernandez

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